Le Devoir, 22 octobre 2005
Roland Jaccard est nihiliste et fier de l’être. Rien, pour lui, ne vaut vraiment, sinon la compagnie de ses frères et soeurs en catastrophe qui se complaisent dans le désastre. On ne se surprendra donc pas qu’il ait été un ami de Cioran et qu’il souhaite lui rendre hommage en signant un petit essai intitulé Cioran et compagnie.
«Qu’étais-je, écrit-il, avant de rencontrer Cioran? Un bouddha de piscine qui s’était imbibé de Schopenhauer et qui avait trouvé dans la psychanalyse un remède à l’ennui.» Et qu’est-il alors devenu? Une sorte de philosophe humoriste qui badine avec le nihilisme pour justifier son désoeuvrement.
«Un philosophe qui n’est pas un humoriste est un nul», affirme Jaccard, à qui il faut, en effet, reconnaître un certain sens de l’humour. On rit un peu, il est vrai, devant cette machine nihiliste qui consiste à justifier toutes les foirades, dont la séduction de jeunes filles déboussolées par un vieux grigou n’est pas la moindre. L’homme, cela dit, n’est pas toujours drôle. Quand il écrit, par exemple, qu’Althusser se rachète à ses yeux «en étranglant sa femme» ou que le suicide est la seule option philosophique valable, il sombre dans une provocation facile digne de l’humour d’un adolescent gothique… [+]