“Scepticisme, ironie et pragmatisme dans la philosophie de Richard Rorty” – Olivier TINLAND

Raison Publique2016/1, n° 20

En assumant ouvertement, aussitôt après la publication de Philosophy and the Mirror of Nature, son rattachement au mouvement philosophique du pragmatisme, Richard Rorty a choisi de s’inscrire dans un courant historiquement inséparable, depuis Peirce, d’une critique vigoureuse et souvent convaincante des présupposés du scepticisme moderne, au nom d’une conception antifondationaliste et faillibiliste de la connaissance .De fait, la critique menée dans Philosophy and the Mirror of Nature à l’égard de la théorie moderne de la connaissance a eu pour conséquence directe de saper les bases du scepticisme postcartésien : en déconstruisant l’imagerie spéculaire d’un esprit réduit à une pure intériorité opposant l’évidence absolue de son accès privilégié à soi à l’inévidence de son accès indirect – par l’entremise de ses « idées » – au monde extérieur, en sapant les bases de la théorie moderne de la représentation – et avec elle l’idée de « représentations privilégiées » qui ménageraient un accès authentique au réel moyennant un travail préalable de discrimination entre nos idées – ou encore en ruinant l’idéal d’une fondation absolue (rationaliste, empiriste ou transcendantale) de la connaissance, Rorty aurait privé le scepticisme moderne de tout point d’appui pour faire valoir la légitimité de ses doutes. L’annonce de la péremption des problèmes liés à l’essor de l’Erkenntnistheorie de Descartes à Carnap serait aussi celle de la désuétude d’un scepticisme dont toute la force reposait jusqu’alors sur une complicité parasitique avec la conception moderne de l’esprit, de la connaissance et de la philosophie. L’anti-mentalisme, l’anti-représentationalisme, l’anti-essentialisme et l’anti-fondationalisme rortyens constitueraient des « armes anti-sceptiques  » décisives pour libérer la philosophie contemporaine des métaphores dominantes qui ont permis au scepticisme de prospérer sur le dos de la philosophie moderne. Nous envisagerons cet aspect de la question dans un premier temps, en rendant compte de la stratégie rortyenne permettant de lier le destin du scepticisme moderne à celui d’une certaine image de la pensée qui s’avère optionnelle, solidaire d’un dispositif intellectuel à la fois contingent (ce que sont, pour Rorty, tous les dispositifs intellectuels), périmé (compte tenu des nouvelles et prometteuses redescriptions métaphilosophiques contemporaines dont Philosophy and the Mirror of Nature se veut la caisse de résonance) et inutile (du point de vue pratique de l’utilité culturelle et sociale de ses conséquences sur l’épanouissement des individus appartenant aux sociétés libérales et démocratiques contemporaines)… [+]

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